Le paradoxe d’octobre et la force sous-jacente de l’emploi
Le marché du travail espagnol a présenté en octobre 2025 un comportement paradoxal qui, bien qu’habituel pour ce mois de transition, révèle une force structurelle sans précédent depuis près de deux décennies. Les données publiées par le ministère de l’Inclusion, de la Sécurité sociale et des Migrations et le ministère du Travail et de l’Économie sociale dessinent un scénario à deux visages : d’une part, une augmentation notable des affiliations à la Sécurité sociale, qui a totalisé 141 926 cotisants de moyenne ; d’autre part, une hausse du chômage enregistré dans les bureaux du Service public de l’emploi (SEPE) de 22 101 personnes.
Cette contradiction apparente, avec plus de personnes au travail mais aussi plus de personnes inscrites au chômage, est la manifestation classique de la fin de la saison touristique estivale. Cependant, une analyse approfondie des chiffres révèle que la tendance de fond du marché du travail reste solidement positive. La clé ne réside pas dans la direction de la variation du chômage, mais dans son ampleur. L’augmentation de 22 101 chômeurs est extraordinairement faible pour un mois d’octobre, un mois historiquement négatif pour l’emploi.
Concrètement, cette augmentation est inférieure de 65 % à la moyenne enregistrée pour ce mois entre 2001 et 2024. Le ministère du Travail lui-même a souligné que la hausse habituelle se situe autour de 62 000 personnes, la donnée de 2025 est donc « trois fois inférieure à la moyenne historique ». Il s’agit, de fait, de la plus faible augmentation du chômage pour un mois d’octobre en 17 ans, depuis 2007.
Ce phénomène suggère que le marché du travail espagnol post-pandémie et post-réforme du travail a considérablement modéré sa volatilité. L’économie a développé une capacité d’absorption du choc saisonnier bien plus grande, évitant la destruction d’emploi « traumatisante » qui caractérisait les mois d’automne des décennies passées. Le nombre total d’affiliés se maintient à des sommets historiques pour un mois d’octobre, frôlant les 21,84 millions de cotisants, tandis que le chômage total se situe à son niveau le plus bas pour ce mois depuis le début de la crise financière.
Ce rapport analyse en profondeur les données d’octobre 2025. Il commence par décortiquer les chiffres clés du chômage et des affiliations, en les contextualisant avec les séries désaisonnalisées et interannuelles pour identifier la tendance sous-jacente. Il dissèque ensuite les forces sectorielles opposées — le moteur de l’éducation et le frein de l’hôtellerie — qui expliquent le comportement du mois, ainsi que la carte territoriale inégale. Enfin, il aborde la qualité de l’emploi, la mesure complexe et controversée du « chômage effectif » et les évaluations contrastées du gouvernement et des partenaires sociaux, qui mettent en garde contre un « essoufflement » croissant du tissu des PME et des indépendants.
Résumé des indicateurs du marché du travail (Octobre 2025)
| Indicateur | Donnée Octobre 2025 | Variation Mensuelle (Abs.) | Variation Mensuelle (%) | Variation Interannuelle (Abs.) | Variation Interannuelle (%) |
| Affiliés moyens S.S. | 21 839 592 | +141 926 | +0,65% | +507 078 | +2,4% |
| Chômage inscrit SEPE | 2 443 766 | +22 101 | +0,91% | -158 288 | -6,0% |
| Affiliation Désaisonnalisée | 21 793 519 | +64 569 | +0,3% | +505 674 | |
| Chômage Désaisonnalisé | (Donnée non numérique) | -15 256 |
Analyse du chômage inscrit : Au plus bas depuis 2007 et un jalon historique pour les jeunes
Malgré le rebond mensuel de 22 101 personnes, le nombre total de chômeurs inscrits au SEPE s’est établi à 2 443 766. Cette donnée consolide une tendance de fond très positive : c’est le chiffre total de chômage le plus bas enregistré pour un mois d’octobre depuis 2007. Avec ce niveau, le chômage en Espagne enchaîne six mois consécutifs sous le seuil psychologique des 2,5 millions de personnes, un jalon qui n’avait pas été atteint depuis la période précédant la crise financière.
Pour comprendre la véritable santé du marché du travail, il est impératif d’isoler la tendance structurelle du « bruit » saisonnier. Les deux indicateurs clés pour cela sont la variation interannuelle et la donnée désaisonnalisée (corrigée des variations saisonnières, CVS), et tous deux sont sans équivoque positifs.
Premièrement, la comparaison interannuelle montre une réduction robuste du chômage. En octobre 2025, il y a 158 288 chômeurs de moins qu’en octobre 2024, soit une baisse intense de 6,0 %.
Deuxièmement, la donnée désaisonnalisée offre la lecture la plus éloquente. En termes désaisonnalisés (CVS), le chômage inscrit n’a pas augmenté, mais a baissé de 15 256 personnes. Ce chiffre démontre qu’une fois l’effet de la fin de la saison touristique neutralisé, le marché du travail espagnol continue de réduire son volume de chômage structurel.
Le jalon du chômage des jeunes
Dans l’analyse du chômage, le fait le plus marquant d’octobre 2025 concerne les jeunes. Le nombre total de chômeurs de moins de 25 ans s’est établi à 193 798. Bien que cela représente une augmentation mensuelle de 10 082 personnes, attendue en raison de la forte rotation de ce collectif à la fin de l’été, le stock total de chômage des jeunes atteint un minimum historique.
Selon les registres du ministère du Travail, les 193 798 personnes inscrites constituent le chiffre le plus bas de chômage des jeunes pour un mois d’octobre de toute la série historique. Ce jalon suggère que l’amélioration de la stabilité contractuelle issue de la réforme du travail de 2021 a un impact particulièrement positif sur l’insertion et le maintien des plus jeunes dans l’emploi.
L’écart entre les genres face au chômage
L’analyse par genre montre une augmentation du chômage équilibrée en termes absolus, bien que l’incidence relative ait été légèrement supérieure chez les hommes. Le chômage féminin a augmenté de 11 561 femmes, tandis que le chômage masculin a progressé de 10 540 hommes.
Le nombre total de femmes au chômage s’est établi à 1 480 465, un chiffre qui, comme le total général, est le plus bas enregistré pour un mois d’octobre depuis 2007. Néanmoins, cette tendance positive ne masque pas le problème structurel de l’écart entre les genres. Les femmes restent les plus touchées par le chômage en Espagne : elles représentent 60,6 % du total des chômeurs (1,48 million sur un total de 2,44 millions).
Cette réalité a été soulignée par les syndicats. Commissions Ouvrières (CCOO) a salué la solidité générale de l’emploi, mais a rappelé que « d’importants écarts de genre persistent » et que les femmes représentent toujours « six chômeurs sur dix », appelant à « ne pas se relâcher ».
Analyse des affiliations : Un record porté par les femmes et l’éducation
Du côté des créations d’emplois, les données d’affiliation à la Sécurité sociale confirment la force du système, qui frôle le record historique absolu atteint cet été. Le nombre moyen de cotisants s’est établi à 21 839 592 personnes. Cet enregistrement constitue le deuxième meilleur mois d’octobre de toute la série historique. Le seul mois d’octobre ayant dépassé ce chiffre fut celui de 2021, une année marquée par le rebond atypique de la désescalade pandémique.
Le système a gagné 141 926 actifs occupés de plus qu’en septembre, soit une augmentation mensuelle de 0,65 %. Le ministère de l’Inclusion a souligné que les registres journaliers d’affiliation se sont maintenus au-dessus de 21,8 millions de cotisants presque tous les jours du mois.
La robustesse de la tendance est confirmée par la perspective interannuelle et les données désaisonnalisées. Au cours de la dernière année, le système a gagné 507 078 affiliés, avec une croissance interannuelle puissante de 2,4 %. De son côté, la série désaisonnalisée (CVS), qui mesure la tendance réelle du mois, a également atteint un nouveau maximum historique, s’établissant à 21 793 519 cotisants après avoir ajouté 64 569 affiliés nets.
Le record historique de l’emploi féminin
La « grande nouvelle du mois », selon les termes de la ministre de l’Inclusion, Elma Saiz, est la performance de l’emploi féminin, qui a été le véritable moteur de l’emploi en octobre.
La croissance mensuelle n’a absolument pas été équilibrée. Tandis que l’affiliation masculine augmentait de 31 955 cotisants, l’affiliation féminine a bondi de 109 972 nouvelles cotisantes. Cela signifie que les femmes ont représenté 77,5 % de l’ensemble de la hausse nette des affiliations en octobre.
Grâce à cet élan, le nombre total de femmes affiliées à la Sécurité sociale a atteint un maximum historique sans précédent, s’établissant à 10 344 599 travailleuses. Les femmes représentent désormais 47,4 % du total des affiliés, se rapprochant de la parité. Selon le ministère, depuis l’entrée en vigueur de la réforme du travail, l’affiliation féminine a progressé de 12,4 %, soit un rythme supérieur de 2,8 points à celui des hommes.
Comparaison pré-pandémie : Un gain structurel de 2,4 millions d’emplois
Pour évaluer la dimension de la reprise et de la transformation du marché du travail, il est utile d’élargir la perspective au-delà de la dernière année. Le niveau actuel d’affiliation, 21,84 millions, contraste avec les chiffres d’avant la pandémie. Fin 2019, avant la crise sanitaire, le système comptait 19,4 millions d’affiliés.
Cela implique qu’au cours des cinq dernières années — une période marquée par une pandémie mondiale, une crise des approvisionnements, une guerre en Europe et une escalade de l’inflation et des taux d’intérêt — l’économie espagnole a été capable de générer environ 2,4 millions d’emplois nets. De plus, cette croissance s’est concentrée de manière particulièrement intense dans des secteurs à haute valeur ajoutée, comme l’Information et la Communication ou les Activités Professionnelles et Scientifiques.
Le moteur et le frein : Radiographie de la dichotomie sectorielle
Le chiffre net des affiliations (+141 926) cache une réalité sectorielle extrêmement polarisée. La croissance de l’emploi en octobre n’a pas été généralisée ; au contraire, elle résulte de deux forces massives et opposées qui se sont partiellement neutralisées : la rentrée académique et la fin de la saison touristique.
Le moteur (Éducation) : La « forte impulsion » de l’Éducation a été le facteur déterminant. Ce secteur a, à lui seul, ajouté 167 323 nouveaux affiliés, une augmentation mensuelle spectaculaire de 14,8 %. Cette hausse, liée à la rentrée scolaire et universitaire, est l’unique responsable du solde positif de l’affiliation globale.
Le frein (Hôtellerie-Restauration et Santé) : À l’opposé, l’Hôtellerie-Restauration a reflété la fin de la haute saison avec une destruction de 50 594 emplois, une chute mensuelle de 3,08 %. À cette baisse s’ajoute celle, significative, du secteur des Activités Sanitaires et des Services Sociaux, qui a perdu 34 341 affiliés, vraisemblablement en raison de la fin des contrats de remplacement d’été.
La conclusion analytique est sans appel : si le secteur de l’Éducation a gagné 167 323 emplois, mais que la croissance nette totale du système n’a été que de 141 926, cela implique mathématiquement que l’ensemble des autres secteurs de l’économie espagnole, en agrégé, a détruit 25 397 emplois nets en octobre. Cette perspective nuance complètement le triomphalisme du chiffre global, qui n’a dépendu que d’un seul secteur pour rester positif.
L’analyse du chômage inscrit par secteur renforce cette vision. Le chômage a augmenté, comme attendu, dans le secteur des Services (+18 496 personnes), qui englobe l’activité touristique. Il a également augmenté dans l’Industrie (+1 148) et l’Agriculture (+1 270).
Le seul secteur affichant un chiffre positif est le BTP (Construction), où le chômage a baissé de 2 121 personnes.
Le moteur et le frein (Variation sectorielle clé, Affiliations et Chômage)
| Secteur | Variation Affiliation (Mensuelle) | Variation Chômage (Mensuelle) |
| TOTAL SYSTÈME | +141 926 | +22 101 |
| Éducation | +167 323 | (Inclus dans Services) |
| Hôtellerie-Restauration | -50 594 | (Inclus dans Services) |
| Activités Sanitaires | -34 341 | (Inclus dans Services) |
| Services (Total) | (Donnée non disponible) | +18 496 |
| Construction (BTP) | +15 347 | -2 121 |
| Industrie | +3 865 | +1 148 |
| Agriculture | (Donnée non disponible) | +1 270 |
La carte de l’emploi en octobre : Une croissance asymétrique
La tension sectorielle s’est directement reflétée sur la géographie de l’emploi, avec des dynamiques très inégales entre les communautés autonomes. L’affiliation a progressé dans 11 régions et baissé dans les 6 autres, tandis que le chômage, dans un mouvement uniforme, a augmenté dans les 17 communautés autonomes.
Radiographie des affiliations (Gagnants et Perdants) :
La croissance des affiliations s’est concentrée dans les grandes régions, tirée par la rentrée académique. La Communauté de Madrid arrive en tête avec 49 445 nouveaux affiliés, suivie par la Communauté Valencienne (+36 459) et l’Andalousie (+29 544). La Catalogne a également progressé (+19 206 affiliés), atteignant un nouveau record historique de 3,88 millions de travailleurs. À l’opposé, la fin de la saison touristique a durement frappé les Îles Baléares, qui enregistrent la plus forte baisse avec 34 936 affiliés en moins.
Radiographie du chômage (Hausse généralisée) :
Contrairement aux affiliations, la hausse du chômage a été un phénomène généralisé. Les plus fortes augmentations en chiffres absolus ont été enregistrées en Castille-et-León (+2 545 personnes), en Andalousie (+2 535) et en Catalogne (+2 423).
La déconnexion régionale : Plus d’emplois et plus de chômage simultanément :
L’analyse croisée des deux variables révèle l’une des dynamiques les plus complexes du marché espagnol : la coexistence d’une forte création d’emplois et d’une augmentation simultanée du chômage dans une même région. Les cas de l’Andalousie et de la Catalogne sont paradigmatiques.
Ces deux communautés figurent dans le top 3 des créations d’affiliations et, en même temps, dans le top 3 des hausses du chômage. Cette contradiction apparente s’explique par une rotation élevée de la main-d’œuvre et, surtout, par l’entrée de nouveaux demandeurs d’emploi.
La carte de l’emploi (Variation par Communauté Autonome clé, Octobre 2025)
| Communauté Autonome | Variation Affiliation (Abs.) | Variation Chômage (Abs.) |
| C. de Madrid | +49 445 | +2 281 |
| C. Valencienne | +36 459 | (Donnée non destac.) |
| Andalousie | +29 544 | +2 535 |
| Catalogne | +19 206 | +2 423 |
| Castille-et-León | (Donnée non destac.) | +2 545 |
| Îles Baléares | -34 936 | +1 631 |
Le débat sur la qualité de l’emploi : Moins de contrats, mais plus stables
L’analyse de la qualité de l’emploi, mesurée par les embauches, offre une image de consolidation, bien qu’avec des signes de ralentissement des flux d’entrée. Au cours du mois d’octobre, 1 510 580 contrats ont été signés.
Sur ce total, 643 183 étaient des contrats à durée indéterminée (CDI). Cela situe le taux d’embauches en CDI à 42,6 % du total des nouveaux contrats. Ce pourcentage consolide l’impact structurel de la réforme du travail de 2021, maintenant la proportion de stabilité à des niveaux bien supérieurs aux 10-15 % habituels avant la réforme.
Le stock d’emplois est donc indiscutablement plus stable. Le syndicat CCOO a souligné qu’au cours de l’année écoulée, l’affiliation en CDI à temps plein a augmenté de 310 000 personnes, tandis que l’affiliation en contrat temporaire a chuté de 24 000.
Ce que cachent les chiffres des CDI et le ralentissement des flux
Cependant, une analyse plus détaillée des flux d’embauches révèle des nuances importantes. La composition des 643 183 nouveaux CDI signés en octobre était la suivante : 260 993 à temps plein, 213 643 « fijos-discontinuos » (CDI intermittents) et 168 574 à temps partiel.
Le principal point d’attention n’est pas la photo à l’instant T, mais la comparaison interannuelle. Le rythme de signature de nouveaux contrats à durée indéterminée ralentit. En octobre 2025, il s’est signé 3,16 % de contrats indéterminés de moins qu’en octobre 2024.
Cette baisse a été particulièrement marquée pour les « fijos-discontinuos », dont les signatures ont chuté de 6,45 % en glissement annuel. Cette donnée est significative et suggère que le grand choc de transformation de contrats temporaires en CDI intermittents, qui a suivi la réforme, pourrait être en train de s’épuiser.
La controverse centrale : Chômage inscrit vs « Chômage effectif »
L’un des débats les plus intenses sur le marché du travail espagnol est l’écart entre le chiffre officiel du chômage inscrit (les 2,44 millions de personnes signalées par le SEPE) et le concept de « chômage effectif ». Ce débat s’est intensifié depuis la réforme du travail.
Divers think tanks et services d’études ont quantifié cet écart. En octobre 2025, la différence entre le chômage inscrit et le « chômage effectif » (demandeurs d’emploi sans activité) s’élevait à 733 066 personnes.
Pour comprendre cet écart, il faut analyser les statistiques des demandeurs d’emploi du SEPE. En octobre, il y avait 4,23 millions de demandeurs d’emploi inscrits, répartis en « Chômeurs inscrits » (2,44 millions) et « Demandeurs occupés » (1,23 million).
La catégorie des « demandeurs occupés » est celle qui génère la controverse. Son volume a considérablement augmenté après la réforme car elle inclut les travailleurs avec un contrat « fijo-discontinuo » (CDI intermittent) qui sont en période d’inactivité.
Avant la réforme, un travailleur saisonnier (par exemple, dans l’hôtellerie) avait un contrat temporaire. À la fin de la saison, son contrat prenait fin et il s’inscrivait comme chômeur, gonflant les chiffres officiels. Après la réforme, ce même travailleur (désormais en CDI intermittent) entre en « période d’inactivité ». Légalement, il n’est pas un chômeur inscrit, mais un demandeur d’emploi « occupé », car il a un contrat à durée indéterminée en vigueur.
Par conséquent, bien que le chiffre officiel du chômage soit de 2,44 millions, il existe un collectif supplémentaire d’au moins 733 000 personnes qui, bien que non comptabilisées comme chômeurs, ne travaillent pas et demandent un emploi.
Le gouvernement a répondu à cette polémique. Le secrétaire d’État au Travail, Joaquín Pérez Rey, a défendu la méthodologie statistique, soulignant que « les données du chômage inscrit sont ce qu’elles sont, elles sont mesurées de la même manière depuis 1985 ». Si la méthodologie n’a pas changé, la composition du marché du travail, elle, a radicalement changé.
La controverse du chômage (Octobre 2025)
| Métrique (Concept) | Chiffre (Millions) |
| 1. Total Demandeurs d’emploi | 4,23 M |
| 2. Demandeurs Occupés (Incl. CDI-Intermittents inactifs) | 1,23 M |
| 3. Chômage Inscrit SEPE (Officiel) | 2,44 M |
| 4. Écart (Chômage « effectif » non enregistré) | ~0,73 M |
| 5. Total CDI-Intermittents (Donnée EPA T3 2025) | 0,66 M |
La vision des partenaires sociaux : Optimisme officiel vs « Essoufflement » patronal
Les chiffres d’octobre ont provoqué une nette fracture dans les appréciations des différents acteurs économiques et sociaux. Tandis que le gouvernement célèbre les jalons historiques, les organisations patronales et d’indépendants mettent l’accent sur la faiblesse sous-jacente du tissu productif.
L’évaluation du gouvernement (Euphorie)
L’exécutif a fait une lecture résolument optimiste. La ministre de l’Inclusion, Elma Saiz, a souligné la « grande vigueur » des affiliations et a qualifié le record historique de plus de 10,3 millions de femmes au travail de « grande nouvelle du mois ». Le ministère du Travail, de son côté, a minimisé la hausse du chômage, la qualifiant de « un tiers de la hausse habituelle » et célébrant les plus bas niveaux depuis 2007.
L’évaluation du patronat (Avertissement)
Même si l’affiliation nette augmente, cette croissance n’est pas homogène. Le patronat (CEOE) a identifié des « signes d’essoufflement » qui se manifestent par une fracture drastique selon la taille de l’entreprise.
Les données du ministère de l’Inclusion révèlent que les grandes entreprises et les micro-entreprises évoluent dans des réalités opposées. Alors que l’emploi en glissement annuel dans les grandes entreprises (plus de 499 salariés) croît de 6,5 %, dans les micro-entreprises (1-2 salariés), il chute de 0,5 %.
Selon la CEOE, ce sont les grandes entreprises qui « compensent la chute de l’emploi dans les micro-entreprises ». Cette « souffrance » des PME est attribuée à l’augmentation des coûts et au « manque de certitude et de sécurité juridique ». Le patronat pointe également l’impact négatif des hausses successives du salaire minimum (SMI) dans des secteurs spécifiques, qui ont entraîné des pertes annuelles de plus de 12 500 affiliés dans l’agriculture et 17 000 dans les services à domicile.
L’évaluation des indépendants (Mitigée)
Le régime des indépendants (RETA) reflète également cette dualité. Bien que le solde net soit positif (+9 142 affiliés), cette croissance cache une crise grave dans les secteurs traditionnels.
Lorenzo Amor, président de l’association d’indépendants ATA, a qualifié la situation du commerce de détail d' »hémorragie« . Le chiffre le plus éloquent est que, depuis le début de 2025, le secteur du commerce perd en moyenne 35 indépendants chaque jour. Cette tendance s’est traduite par une perte nette de plus de 10 000 indépendants dans le commerce cette année.
Amor attribue cette chute à un environnement hostile, citant « chaque jour plus d’obstacles, plus de bâtons dans les roues, plus d’obligations ». La croissance du RETA ne tient que grâce à l’essor des indépendants dans les services à haute valeur ajoutée (comme l’Éducation et les Activités Professionnelles et Scientifiques), tandis que les secteurs traditionnels (Commerce, Hôtellerie, Industrie et Transports) détruisent des emplois indépendants.
L’évaluation syndicale (Positive mais nuancée)
Les syndicats majoritaires, comme CCOO, ont offert une vision positive, mais nuancée. CCOO salue la « solidité » et « l’amélioration de la qualité et de la stabilité » de l’emploi, les attribuant directement au succès de la réforme du travail. Ils célèbrent le jalon historique de l’emploi féminin mais mettent en garde contre tout « relâchement », rappelant que l’écart de genre au chômage (6 chômeurs sur 10 sont des femmes) reste le principal défi.
Un marché à deux vitesses
L’analyse des données du marché du travail d’octobre 2025 offre une conclusion complexe : l’Espagne avance avec un marché du travail à deux vitesses.
D’une part, la photo macroéconomique révèle des chiffres d’une force incontestable. Le mois se clôture sur un nouveau record historique de femmes au travail, le chiffre de chômage le plus bas pour un octobre depuis 2007 et le minimum historique de chômage des jeunes pour ce mois. Ces jalons démontrent que l’économie espagnole a acquis une résilience structurelle qui lui permet d’absorber le choc saisonnier de la fin du tourisme bien mieux que durant tout le cycle économique précédent.
D’autre part, cette force macroéconomique masque des tensions et des faiblesses importantes. La croissance agrégée de l’affiliation a dépendu ce mois-ci d’un seul secteur (Éducation) et d’un seul groupe démographique (les femmes). Le reste de l’économie, en agrégé, a détruit des emplois.
Cette dynamique révèle la fracture centrale du moment économique actuel : la divergence entre la santé des grandes entreprises et des secteurs à haute valeur ajoutée, qui continuent de croître, et la « souffrance » et l' »essoufflement » des micro-entreprises et des indépendants des secteurs traditionnels. L' »hémorragie » du commerce de détail et la destruction d’emplois dans les plus petites entreprises sont des signaux d’alarme que la robustesse des chiffres macro ne peut occulter.
Le marché du travail espagnol résiste donc avec un dynamisme notable, mais les « signes d’essoufflement » signalés par le patronat et le ralentissement des signatures de nouveaux contrats à durée indéterminée sont les variables critiques à surveiller en cette fin d’année 2025. La réforme du travail a cimenté un stock d’emplois plus stable, mais la controverse sur la mesure du « chômage effectif » et la fragilité de la micro-entreprise s’imposent comme ses deux grands défis en suspens.





